Rituel
Les Pizza. |
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Si chaque partie de jeu de rôles est
agrémentée par moult biscuits apéritifs et autres cochonneries nutritives arrosées par
quelques boissons obscures ( gazeuses ou vaguement fruitées ), une partie digne de ce nom
ne peut commencer sans le rituel de la Pizza, qui au fil du temps est devenu une
véritable institution. Un peu d'histoire s'impose
En ces temps reculés, il y a maintenant plusieurs années, époque bénie où nous
étions jeunes et insouciants, sortant du lycée pour arriver en fac et déjà bien
habitués à Cyberpunk dans lequel nous avions "injecté" les vampires de la
Masquarade, nous jouions toutes les semaines (le vendredi soir vu qu'on avait pas cours le
lendemain) et parfois même deux fois par semaine. A l'époque nous nous contention d'une
montagne de biscuits apéritifs que nous engloutissions au cours de la partie, ne prenant
un véritable repas qu'avant la partie, au goûter, ou, dans mon cas après (quelle joie
de retrouver un fond de pâtes en rentrant vers 1h du mat.). Nous nous sommes rapidement
rendu compte que ce serait plus fun de tous bâfrer ensemble avant de commencer, d'autant
plus que nous ne commencions jamais à jouer tout de suite (le temps que tout le monde
arrive puis il fallait aller chercher le ravitaillement). C'est pourquoi je lançais
l'idée de rajouter sur la liste des victuailles quelques pizza surgelées. L'idée fut
rapidement acceptée et Mat et moi nous retrouvâmes à enfourner lesdites pizza après
les avoir aspergées des petits sachets d'huile d'olive fournis avec. Il n'en fallu pas
plus pour que deux malades comme nous transforment cela en véritable rituel de magie
noire. Le temps passa, nous enchainâmes les parties à une vitesse folle. Puis, nous
laissâmes Cyberpunk de côté pour nous tourner vers l'Heroic Fantasy, univers que nous
n'avions pas encore exploité, dans lequel nous nous jetâmes en tant qu'humains d'abord
(pour faire une pause, comme pour Cyberpunk, et puis surtout pour laisser aux maîtres le
temps d'adapter les règles sur les Vampires à ce nouveau monde). Le rituel
"pizzaesque" prit fin vers cette époque à cause du temps de préparation et de
cuisson, trop long, et surtout à cause du prix de la matière première. Après une
brève période Bolino (Mais si, ces "nouilles" déshytratées qui reconstituent
en versant de l'eau bouillante dessus) que nous abandonnâmes rapidement (j'avoue, j'ai
replongé quand j'étais à l'armée, mais depuis j'ai de nouveau arrêté). Nous nous
tournâmes alors vers la friterie toute proche et lançâmes l'opération du même nom :
tandis qu'un premier groupe allait toujours au supermarché chercher boissons et bricoles
à grignoter, un deuxième groupe se mettait en quête de frites bien grasses et la
ripaille reprit de plus belle.
Les pizza avaient-elles été définitivement oubliées pour autant ? Certainement
pas ! En effet, plus tard, alors que notre envie de réincarner des vampires se faisait de
plus en plus pressante (peut-être parce que nos persos humains avaient tous succombés
lors d'une réplique médiévale et mémorable de Fort Alamo), nous découvrîmes
"SPAZIO PIZZA" dans la galerie marchande du supermarché où nous faisions nos
courses. Un seul essai nous suffit à l'adopter, les pizza étant excellentes, pas chères
(env. 25F pour les petites 23cm et env. 50F pour les "normales" 32cm) et là au
moins il y a de la garniture (pas comme sur les feuilles à cigarettes qu'on peut trouver ailleurs. C'est d'ailleurs devenu notre point de
rencontre avant toute partie, le groupe allant chercher les indispensables victuailles
tandis que je m'occupe de les rendre fous avec notre commande (je dois d'ailleurs les
prévenir à l'avance de notre arrivée pour leur laisser le temps de préchauffer le
deuxième four afin qu'ils puissent tout cuire en même temps, véridique !). Enfin, même
si nous avons perdu le rituel de la cuisson (ce n'est pas un mal d'ailleurs, car il y
avait vraiment de quoi nous faire enfermer !), nous avons néanmoins gagné celui du
découpage de pizza à deux mains avec les coupes-pizza du Chaos !
Nico
Liberterra
Il y a environ trois ans, peut-être un
peu plus, Mat nous parla d'une petite boutique à Lille qui vendait haches, épées,
katana et autres armes plus ou moins anciennes d'origines diverses. Intrigués, (nous
avions commencé notre période Heroic Fantasy), nous décidâmes de nous y rendre, pour
voir. Arrivés sur place, nous fumes intrigués par la vitrine qui avait un je ne sais
quoi d'attirant. Pénétrant dans la boutique, c'est comme si nous avions changé de
monde, partout les murs étaient recouverts de statuettes représentant indiens
d'Amérique et personnages d'autres civilisations et cultures, mais aussi sorcières, et
autres squelettes, ainsi que moult objets variés qui allaient du masque africain à la
petite fointaine de salon. Examinant une série de crânes et de statuettes de dragons qui
trônaient sur un présentoir, nous vîmes plusieurs superbes dagues ornées de crânes et
autres pierres précieuses. Revigorés par cette découverte, nous découvrîmes ensuite
une petite pièce au fond du magasin d'où provenaient de mystérieux éclats lumineux.
Nos pas nous conduisirent alors dans un lieu magique aux murs tapissés d'épées à une
ou deux mains, de haches, d'arbalètes, de katana, etc. Il y a de tout et de tous les
modèles plus beaux les uns que les autres. Voyez vous-même (j'en reste d'ailleurs sans
voix à chaque fois que je viens m'y ressourcer).
Nico
Image extraite du catalogue.
Les Sites Ouaib des Copains !
Une autre de notre grande passion est l'écriture, et parallèlement au jeu de rôle, nous avons construit, depuis plus de dix ans, tout un univers à travers des récits et des nouvelles de notre cru. Cet univers raconte les histoires fantastiques de toute une série de personnages, haut en couleurs, depuis la destruction de la terre en 2027 jusqu'à l'empire plus de 20000 ans après. Des récits aussi différents que sont leurs créateurs et les époques auxquels ils se situent. Si la curiosité vous pique, je vous conseille d'aller jeter un oeil sur le site de R créations, qui vous décrira à merveille cet univers et vous permettra également de découvrir quelques uns de ces récits.
http://www.ifrance.com/encycl-celt
Un autre site incontournable et qui est en plus une référence en la matière. Si vous aimez la culture celtique, allez voir le site de Mat. Mais non, que dis-je, si vous aimez la culture celtique vous êtes déjà allé sur le site de Mat et il est déjà dans vos favoris. Ce site, outre son exceptionnel contenu, car trés complet et trés riche, est notre petite fierté à nous dans le sens où il est le premier site mis en ligne par l'un de nous, et d'une, et de deux, il a fait l'objet récemment d'un article dans Géo. Rien que ça. Quand je vous disais que c'était une référence en la matière. Normal, Mat c'est un peu notre conscience, notre esprit d'équipe, notre sorcier shaman, bref notre référence culturelle. Allez donc tout de suite consulter l'encyclopédie celtique et cultivez vous mais ensuite revenez sur le Convent, pas de blague hein !!!
Donjons & Dragons
La sortie du film valorise les rôlistes.
Une bonne initiative de la part d'un magazine un peu spécial puisqu'il s'agit du mensuel "Ca se passe comme ça", le magazine de McDonald's. Uniquement disponible dans les restaurants McDo, le numéro de décembre 2000 ( je sais c'est un peu vieux comme info mais bon ) nous offre un petit article à l'occasion de la sortie de Donjons et Dragons. Mais plutôt que de parler du film il parle de Jeux de Rôles et de rôlistes. Une occasion assez rare pour qu'elle soit signalée. Un grand merci donc à Christophe GRACIOT qui a réalisé le dossier.
Extraits :
"Ce sont de grands enfants à qui on ne raconte plus d'histoires et qui ont décidé de se les raconter eux-mêmes."
" Réunis en petits comités de quatre à six personnes ( au-dessus, le risque de dispersion et de rigolade pur est trop fort ), ils se contentent généralement d'un crayon, d'une feuille de papier et de dés particuliers ( de 4 à 100 faces ! ) pour devenir pendant quelques heures un elfe ou un vampire."
" ils sont tous suspendus aux lèvres du MJ ( maître du jeu ), le conteur en chef de la partie. c'est lui qui a lu le livre de règles, la bible qui définit l'univers dans lequel évoluent les PJ ( personnages joueurs ), leurs relations et leurs caractéristiques. Il le connaît presque par coeur, ainsi que le scénario de la partie ( qu'il peut avoir inventé ). Il a ainsi défini le but de chacun des PJ et va les regarder évoluer dans le jeu. Chaque PJ joue tour à tours, et il va leur décrire avec force détails ce qu'il croise comme lieu ou comme PNJ. A charge au PJ de décrire sa réaction, pour avancer dans l'histoire. Accessoirement des figurines peuvent les situer sur un plateau de jeu, représentant par exemple le nombre de tours à parcourir pour traverser une forêt."
François
Dédicace à tous les joueurs ou les maîtres malheureux
Qui, au cours d'une partie, ne s'est jamais cogné la reine des cafards, le prince des grandes gueules ou tout simplement,le connard intégral avec boite séquentielle ? Eh oui, le JDR, c'est comme partout : chacun a son boulet, sa croix à traîner. Tout le monde a forcément connu un jour un emmerdeur à sa table de JDR. D'ailleurs, je pense moi même avoir été un jour l'emmerdeur de quelqu'un, mais bon, bref, hum ! n'épiloguons pas là dessus.
Venons plutôt à notre cas, que l'on peut présenter comme l'emmerdeur intégral, la saccageur de partie en chef, le roi de l'embrouille et des parties achevées prématurément ou achevée péniblement à coup de Tranxène 2000. Il s'agit d'un type universellement connu dans le monde du JDR de notre bonne ville, personnage qui compte à son actif autant de joueurs dégoûtés du JDR que Richard Clayderman peut vous dégoûter du piano.
Je vais essayer de résumer en quelques mots la substantifique moelle, l'essence même du personnage. Il est cependant ardu de traduire en parole ce qui finalement, confine à l'indicible. Mais pour donner dans l'hyperbole, disons que j'ai touché du doigt la cime de la suffisance et de la bétise humaine dans ses illustrations rôlistiques.
Ce jeune homme, que nous nommerons A.M., est arrivé un jour à une convention organisée par une école locale, un matin, alors que quelques amis et moi même devisions gaiement avec une charmante organisatrice, les yeux encore rougis d'une nuit blanche à boucler les derniers détails (La charmante organisatrice, pas nous ; d'ailleurs, chère organisatrice, si tu me lis, saches que je t'ai compris, je ne t'ai pas oublié, et je t'aime toujours. Si mariage envisageable, transmet ta réponse à François, le webmestre de céans, qui fera suivre). Quelques poils rebelles sur le menton, vêtu d'un sweat-shirt sur lequel était dessiné un petit ours avec une casquette déclamant "appelez moi maître" (Ne le rappelez surtout pas à François, il a le même. Hi ! Hi ! Hi !), de bottes en cuir, d'un long imper noir et équipé d'une mallette de couleur argent-mat du plus bel effet, le quidam s'approche de la donzelle. Mes amis et moi même remarquâmes alors de suite ce que d'aucuns pourraient appeler "un dur" (Ouais petit!). D'autant plus dur qu'il était de taille assez moyenne, et son tour de taille témoignait d'un certain manque d'exercice, au moins physique. "Mais que diantre, me lançai-je en mon for intérieur. Ne préjugeons point de l'homme sur son aspect physique. Socrate lui même n'était pas beau, et quel grand homme ce fut".
-"Heuuu, salut, lui dit la demoiselle d'une voix hésitante, un peu perdue dans
ses formulaires d'inscription. Tu viens jouer à quoi ?
-"Attend, attend, lui répond le zigue sur un ton péremptoire, et ce de manière à
ce que toute l'assistance puisse profiter de son numéro. T'a vu la mallette de matos ?
Est-ce que j'ai l'air d'un joueur avec la mallette de matos que je trimballe ?
et la jeune fille, indulgente, de se confondre en excuses :
- "Ah bon, ah bon, excuse moi, ch'uis désolée. Alors, tu maîtrise quoi ? Vampire ?
Demande t-elle au hasard afin de relancer la conversation sur des bases saines.
- "Heu, attend, reprend t-il sur le même ton. Je masterise 24 jeux de rôles, je
vais pas en commencer un 25e maintenant, hein !"
(NDLA : je n'aime pas le mot " masteriser ", car le mot " maîtriser "
exprime tout aussi bien le concept, mais reste méprisé pour des raisons probablement
liée à un mépris de la langue française mélangé d'élitisme rolistique)
Hélas, mille fois hélas, nous nous regardâmes mes amis et moi et nos regards
exprimaient tous un unanime sentiment, et nous convînmes en même temps de cette chose :
nous avions affaire ici au plus grand crétin que le jeu de rôle ait engendré. Doublé
d'un mufle, qui plus est. Au cours du week-end, mes camarades ou moi-même eûmes à
plusieurs reprises l'occasion de "le" côtoyer ou de converser avec lui.
Morceaux choisis :
- A un pote à nous, il lançai péremptoirement (Précisons qu'à l'époque, le film
"Crying freeman" venait de sortir sur les écrans) : " Ouais, eh ben j'vais
t'dire, j'ai vu le film. Eh ben le type il est vaaach'ment fort (appuyant sur le "
vachement "), pasque moi j'fais du sabre, tu vois. Eh ben le mec (le Freeman,
précisons) y fais des trucs que même moi j'sais pas faire ". AAAAAAAARGL !!!!
Effarant, non ?
- Entendu par mon frère avant la proclamation des résultats du tournoi
"futuriste" ou il concourrait dans la catégorie "Cyberpunk" :
"Oh de toute façon, j'pense que j'vais gagner, j'ai fait le tour des autres tables,
y'avait pas vraiment de concurrence". Il est bien entendu qu'il ne gagna ni le
premier prix, ni le deuxième, ni le troisième, ni aucun autre de tout le week-end.
- Entendu par un autre pote, à propos des lots qu'il n'eut pas, puisqu'il n'avait pas
gagné : "Oh de toute façon, y'avait rien qui m'intéressait. A part peut-être si y
s'avaient offert le numéro 1 de Casus belli (Ou quelque chose dans le genre, NDLA), mais
ça m'étonnerait beaucoup qu'ils l'aient eu."
C'en était tout pour cette année, mais lorsque nous revînmes l'année suivante, à
la même convention, nous ne tardâmes pas à le rencontrer à nouveau. Il se fit moins
présent, cette année là, pour nous en tout cas. Mais sa réputation avait déjà fait
le tour de notre petit monde. Une charmante organisatrice (Encore une ! Y'en a pas
beaucoup, mais elles sont toujours charmantes, dans cette convention) nous demandait
malgré tout :
" - Vous jouez à quoi, demain ?
- "Ben, à Cyberpunk, rétorquai-je d'un air hébété et imbécile (J'ai toujours
l'air hébété et imbécile quand une jolie fille m'adresse la parole. C'est terrible,
ça !).
- "Hooo, ben j'espère que vous ne tomberez pas sur A.M., s'angoissa-t-elle en
faisant les grand yeux. "
D'après les listes que je vérifiai immédiatement, ça aurait du être le cas (je te
raconte pas les sueurs froides pendant la nuit), mais finalement, le lendemain, nous
arrivâmes en retard, et A.M. avait déjà commencé avec un autre groupe. Nous
rencontrâmes les joueurs qui avaient pris notre place (Les pauvres ! Mais plutôt eux que
nous, hin, hin, hin !). Le bilan s'affichait sur leur mines déconfites, et les
commentaires étaient à l'avenant : "dramatique" ; "j'avais jamais vu ça
!" ; "Ras le bol", et j'en passe. Dans leur salle, sur un tableau,
"il" avait fait des croquis. Nous en venions à nous demander si nous avions
fait le même scénario que lui, ce qui aurait pourtant du être le cas. Je ne rentrerais
pas dans les détails, c'était assez compliqué.
A.M. n'eut encore aucun prix cette année-là, bien qu'il espéra probablement le
contraire.
Mais il faut en venir à l'apothéose. L'année suivante, je décidai qu'il était
temps que je devienne un homme, un vrai, un dur, et je dis à mes potes :
- "Cette année, les mecs, c'est décidé, je saute le pas : je m'inscris à la table
de A.M.! A chacun ses stigmates. Rambo a ses cicatrices, moi j'aurais une partie avec A.M.
- "Non fais pas ça, gémirent-ils en cur. Tu vas devenir une bête sauvage.
Après ça, tu verras, tu voteras de Villiers et t'aimera ca !" (D'accord, d'accord,
c'est vrai, tout n'est pas authentique dans cette scène. En fait, nous étions plusieurs
à vouloir " essayer " A.M., mais étant arrivés en retard, comme d'hab', il ne
restait de place que pour un. Mais bon, et la licence poétique, quoi merde !)
Ce qui fut dit fut fait. Je m'inscrivis donc à Cyberpunk à la table de A.M.. Avant
qu'il n'arrive dans la salle qui nous était assignée, je conversai avec mes camarades
d'infortune. Ils étaient unanimes : y'avait qu'à eux qu'ce genre de tuiles arrivaient,
et que qu'est-c'qu'y s'avaient fait au bon dieu de tomber sur A.M, ah la la, ma pauv' dame
! J'en rajoute peut-être un peu, certes. Mais A.M. était déjà connu, et certains
d'entre eux avaient déjà joué avec lui la veille ou même avant, et de leur propre
opinion, ils avaient en général vécu un cauchemar.
Lorsque venait un organisateur, ils ne manquaient pas de le tancer de nous avoir assigné
le gus, eh oui, j'comprend, mais que voulez-vous les gars, il fallait bien que quelqu'un
s'le tape et désolé que ça soit tombé sur vous. Condoléances ! Regards croisés,
sueur, angoisse !
Le sort de deux d'entre nous (Nous étions 5 joueurs à cette table, en tout) mérite
d'être particulièrement rapporté. Bidasses en Allemagne ou quelque coin de merde dans
l'est (c'était à l'époque de la défunte conscription), ils avaient pris un week-end et
fait plusieurs heures de train pour venir à cette convention. Hélas, lors du tournoi
Med-fan, la veille, ils étaient tombés sur un clown qui maîtrisait Warhammer avec un
bonnet à grelots sur la tête et qui avait transformé leur partie en
"Intervilles", Guy Lux, vachettes et compagnie... Ils escomptaient donc bien se
rattraper sur le tournoi "futuriste" du dimanche. C'était sans compter sur
A.M., qu'ils ne connaissaient alors. Je n'osai alors dire à tous ces jeunes gens que
j'avais choisi mon destin, de peur qu'ils ne se missent à me jeter des pierres, car eux
n'avaient eu à piper sur le leur. A.M. arriva donc, et les regards se figèrent. Regards
croisés, sueur, angoisse !
- "Bon, A., tu vas pas nous foirer la partie cette fois-ci comme la dernière fois,
hein !?! lui demanda un grand barbu assis face à moi.
- "Non, mais la dernière fois, c'est pasque je connaissais pas bien le jeu, mais
là, ça va aller. Pas de problème, les mecs. Eh, j'suis champion d'France de Cyberpunk
(Cette réplique est rigoureusement authentique. J'ai des témoignages signés), j'vous
signale! Y'a 15 mecs qui assiègent mon téléphone pour me supplier de leur masteriser
une partie! " (authentique aussi)
Regards croisés, sueur, angoisse! Mais la partie commença, après quelques tours de
pistes de l'ami A.M. dans le plus pur style de ce à quoi il nous avait habitué. Je
n'entre pas dans les détails, ce serait fastidieux.
Il s'agissait d'un scénario assez subtil de carambouille sur des substances illicites,
doublé d'un meurtre. L'un des joueurs était le coupable (Moi en l'occurence), habile et
machiavélique démiurge manipulant une bande de copains issue d'une équipe de foot
américain. Le but du scénario était de me démasquer, et les uns soupçonnant les
autres, tous étaient fréquemment amenés à sortir de la salle, soit pour s'entretenir
hors de la présence du maître, soit que le maître ait eu à s'entretenir avec un joueur
hors de la présence des autres.
J'eus l'occasion, lors d'une de ces sorties, de converser avec un joueur d'une autre salle
sorti pour des raisons similaires, et qui connaissait bien A.M.. J'appris alors en vrac
que :
- A.M. n'avait jamais été champion de France de quoi que ce soit, ce que je n'eus aucun
mal à croire
- Quant au fait qu'il eut quinze joueurs pendus à son téléphone pour maîtriser,
c'était peu probable, à moins que certains gros comptent pour quatre.
- Que par contre, A.M. était tellement suffisant et insupportable qu'il avait été exclu
de plusieurs associations de JDR locales, dont une qu'il avait fondé lui même. Le reste
de l'après midi fut chaotique : les sorties - volontaires et délibérés, faut il
préciser - des joueurs furent de plus en plus longues, et les prétextes les plus bidons
s'ajoutèrent les uns aux autres pour aller vider une pinte au bar. Les deux malheureux
militaires sombrèrent littéralement dans la dépression et dans l'alcoolisme, furieux
d'avoir vu leur deux parties gâchées à chaque fois par deux sinistres clowns et à la
pensée de devoir reprendre le train dés le soir même pour retourner ramper dans la
boue. Les autres joueurs piétinaient, bloqués de la manière la plus magistrale par A.M.
dans un scénario délicat, mais qui n'était pas si compliqué.
Au bout de deux heures, nous avions largement dépassé le stade des " Regards
croisés, sueur, angoisse ! " : les noms d'oiseaux commencèrent à retentir de la
part des joueurs, et l'un des appelés du contingent menaça d'en venir aux mains contre
A.M. qui le traitait d'ivrogne.
Nous tirâmes notre révérence, et moi, couard, n'ayant pipé mot, surtout en raison de
ce que je m'étais mis moi même dans cette situation. Lorsque je narrais tout cela à mes
potes, ils n'acceptèrent de me croire que parce qu'ils connaissaient le loustic. Nous ne
traînâmes pas sur place, certains ayant à retourner travailler, et nous ne connûmes
alors pas l'épilogue de ce qu'il me faut qualifier de brillante après-midi. Cet
épilogue, je ne l'appris que l'année suivante. Je m'enquerrai alors auprès d'un
organisateur du fait que je n'apercevais nulle part le sémillant A.M. "C'est normal,
me répondit-il, on lui a interdit de venir". Fin de l'histoire. Depuis, plus
vraiment de nouvelles de lui, si ce n'est une silhouette entr'aperçue ici ou là dans les
rayons de notre librairie de JDR. Mais maintenant, comme avant, il hante nos parties, et
son souffle glacé vient effleurer nos petites nuques graciles chaque fois que nous nous
conduisons mal durant une partie, tel le croquemitaine qui mange les enfants pas sages.
- "Attention, les mecs, commencez pas à bourriner ou j'appelle A.M., hein !
- "Oueuh l'aut' eh ! Même pas vrai !
- " Bon, vous l'aurez voulu ! Je prend le téléphone, j'l'appelle, et y rapplique
tout de suite vous faire une partie"
On rigole, on rigole, mais au fond de nous, on sait qu'il existe, et que quelque part, il
attend, tapi dans l'ombre que quelques joueurs égarés ne viennent se prendre dans sa
grosse toile immonde. Et là, il nous torturera et nous masterisera pendant des heures,
qu'on reniera jusqu'à notre premier D20. HAAAA, NOOOOOOOOOON... !!!
Voilà, c'était "Guerre et paix au pays du jeu de rôle". Désolé d'avoir
fait si long, mais la description du cas A.M. ne méritait pas moins. On nous dira (On me
l'a déjà dit d'ailleurs) que ça c'est pas très chrétien de s'acharner sur ce "
pauv' garçon ", qu'il a sans doute eu une enfance difficile, et que pour lui c'est
pas facile, et qu'il mérite sans doute pas toute cette animosité.
Ouais, tout ça, d'accord, d'accord, je comprend la souffrance des gens, j'suis de gauche,
m'enfin tout de même, bordel, quoi !!! Je ne dis pas qu'il l'a mérité, ce qui lui
arrive, mais il l'a cherché, enfin ! Et puis merde, je suis pas S.O.S amitié, moi !
C'est pas mon boulot de faire du social. Je fais du jeu de rôle. Je fend des
crâââânes et je te jette des sorts ici et là, et c'est tout ! Si ce jeune homme ne va
pas bien, il n'a qu'a aller voir un psy, j'en connais des très bien qui ne lui prendront
pas cher.
Alors, cher camarade d'infortune, si tu a eu des joueurs ou des maîtres chiants, je te
comprend, et je te soutient. L'amitié virile avec tes vrais potes, une pizza et un brick
de nectar d'orange-banane avant un bon fendage de crââââne, il n'y a que ça de vrai.
Et mort aux cons !
Karl Mat
P.S. : je tiens, malgré la légèreté du ton que j'ai pu employer, à insister sur la
véracité des événements que je rapporte dans cet article. Si les dialogues ne sont
évidemment qu'une reconstitution de mémoire, en tout cas, quand à l'attitude et à la
teneur générale des propos de A.M., je n'invente rien (Pour ce qui est de mon attitude,
c'est peut-être un peu différent. peut-être qu'après tout, je ne suis pas aussi beau
que je le laisse paraître. Pourtant, je suis très beau. tous les matins, ça m'étonne
encore).